Carnets du Nord #1 Reconnaissance

Reconnaissance, comme on reconnait un territoire avant une action.
Re-connaissance, comme on renoue avec des gens, des lieux, des situations dont on s’est absenté quelque temps.
Reconnaissance, comme on reconnait une dette envers quelqu’un ou quelque chose.

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Douai (59), 24 avril 2017 © Thierry Girard

Entre 1977 et 1985, à l’aube de mes aventures photographiques, ce que j’appelle génériquement « le Nord » (en fait les deux départements du Nord et du Pas-de-Calais) a constitué avec l’Angleterre (cf. le billet East End London 76’) mon territoire d’élection de jeune photographe. J’y apprends, pour reprendre la belle expression du poète Francis Ponge, « la façon du regard », et je me confronte à l’altérité d’un monde qui n’est pas celui dont je suis issu. Nul besoin de ma part d’aller couvrir les conflits de la planète ou de rêver d’exotisme lointain, je découvre à deux heures à peine en voiture de Paris l’âpreté d’un paysage marqué par plus d’un siècle d’industrie minière et sidérurgique, et la dureté de la vie au quotidien qui, ici plus qu’ailleurs, marque les corps ; mais tout cela fortement compensé par une façon de vivre ensemble, par une simplicité des rapports humains qui rendent le territoire particulièrement attachant à quiconque y consacre du temps.
Et du temps, j’en ai consacré au “Nord“ ! Pendant toutes ces années, je ne compte pas les allers-retours depuis Paris ni les séjours prolongés où je m’installe en résidence dans le Bassin minier, à Douchy-les-Mines ou à Douai par exemple ; ou dans les Flandres pour réaliser Far-Westhoek… Premières résidences d’artiste, premières expositions, premier livre, premières commandes institutionnelles (notamment avec le Centre régional de la photographie, tout juste porté sur les fonds baptismaux), je dois beaucoup à ce pays et aux gens du Nord !

1220-1A281-S.jpgDouai (59), octobre 1982 © Thierry Girard

Depuis le début des années 2000, j’ai exprimé à plusieurs reprises le souhait de pouvoir revenir travailler sur ce territoire. Finalement, après moult fausses promesses et déceptions, j’ai trouvé le soutien du Centre historique minier de Lewarde ­—auquel s’est jointe pour un support logistique la Maison de l’art et de la communication de Sallaumines— afin d’entreprendre ce retour vers le Nord. Certes, ce retour est circonscrit au Bassin minier, mais il pourra, du moins je l’espère, s’étendre ultérieurement.
J’ai réalisé en 2017 trois sessions de travail. Je présente dans ce billet un résumé de la première, effectuée en avril. Une exposition doit se tenir au Centre historique minier de Lewarde à partir de février 2018 jusqu’à la fin août, puis à Sallaumines à l’automne, avec en regard quelques-unes de mes anciennes photographies issues de la collection du Centre régional de la photographie. Ce travail sera complété en 2018 par une seconde mission, financée cette fois-ci par la Cité des Electriciens à Bruay-la-Bussière. L’ensemble de ces productions, accompagné d’un travail de “revisitation“  de mes archives noir et blanc (les photographies prises entre 77 et 85) fera l’objet d’une grande exposition en 2019 à la Cité des Electriciens, avec vraisemblablement l’édition d’un livre chez Lightmotiv.

 

12 avril 2017


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Sallaumines (62), Cité de la fosse 4, 12 avril 2017 © Thierry Girard

Premiers repérages. Sentiment étrange. Il manque évidemment quelque chose d’essentiel, le paysage d’antan ! Certes, il y a bien encore des terrils et quelques chevalements —et le très beau cône du terril de Méricourt, à trois kilomètres de là où je réside, en est l’un des plus beaux exemples—, mais ce ne sont plus que des vestiges. Les carreaux de mines, pour la plupart, ont été effacés, transformés en friches ou remplacés par des zones commerciales, des aires de loisirs, voire de nouveaux habitats. Là où se trouvait l’impressionnant complexe de Drocourt avec sa cokerie, il ne reste rien, si ce n’est, d’un côté de la route, un terril très long mais un peu raplati pour avoir fourni, des années durant, des tonnes de matériaux destinés aux infrastructures routières ; et de l’autre côté de la route, une base de loisirs avec une zone écologique… Simples repérages. Ce n’est pas encore le temps de l’imprégnation et de la déambulation lente.

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Méricourt (62), Terril n°97 de la fosse 4/5, 12 avril 2017 © Thierry Girard

Dans Nord-Eclair, un article est consacré aux mineurs grévistes de 1948 ! « Le parcours du combattant continue. Au terme des grandes grèves de 1948 et 1952, marquées par des heurts avec les forces de l’ordre, près de 3 000 mineurs avaient été licenciés et expulsés de leur logement ». Depuis, malgré différentes promesses et une loi d’amnistie votée en 2015 (suivie d’une cérémonie de réhabilitation), les survivants (toujours moins nombreux chaque année) attendent des dédommagements à la hauteur des pertes et des préjudices subis, soixante-cinq ans après…

 

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Liévin (62), 12 avril 2017 © Thierry Girard

IMGP6207S.jpgAvion (62), 12 avril 2017 © Thierry Girard

13 avril 2017

À Pecquencourt, le café de la mairie est comme un petit Heimat museum. On y trouve divers objets rappelant la mine, mais aussi des outils utilisés par des professions aujourd’hui disparues. Le patron est intarissable. Il n’est pas issu d’une famille de mineurs (« Je suis un “bourge“ du centre du village »), mais il le regrette, tant ces derniers, à se yeux, disposaient d’avantages. Il évoque à un moment les communautés polonaises et italiennes très présentes à Pecquencourt et dans les villes alentour : « Elles vivent encore, me dit-il, dans la nostalgie de leurs origines et de leurs traditions. Du coup, on ne peut pas reprocher à la communauté maghrébine d’en faire autant ». Parole de sage.

IMGP6220-S.jpgRieulay (59), terril 144, dit des Argales, 13 avril 2017 © Thierry Girard

Je monte vers le sommet du terril de Rieulay-Pecquencourt, d’où la vue est magnifique sur toute cette plaine du Nord. Au loin, d’autres terrils, dissous dans une légère brume, émergent, telles des îles volcaniques perdues au milieu de l’océan. J’ai gardé mes chaussures de ville, mais je grimpe sans trop glisser, doublé par des gamins à vélo qui s’amusent à prendre les rigoles les plus raides pour couper court entre les méandres du chemin. Je suis rejoint au sommet par une famille, les parents et une petite fille un peu pâle. Des ennuis de santé, du chômage, je devine, sans insister, que leur vie est difficile, mais j’aime la douceur avec laquelle l’un et l’autre parlent. Je fais un portrait d’eux trois. Je leur raconte ce que j’ai fait autrefois et ce que j’entends faire aujourd’hui. Ils me disent : «Vous parlez comme quelqu’un qui fait de la littérature ! ». Dans leur bouche, c’est plutôt un compliment, mais je ne suis pas sûr que tous mes prochains interlocuteurs y soient sensibles de la même manière. Je vais devoir écouter davantage que parler, cela me convient.

IMGP6227-S.jpgRieulay (59), terril 144, dit des Argales, 13 avril 2017 © Thierry Girard

À la Une de L’Avenir de l’Artois, en grosses lettres : « Bully-les-Mines : Des chats donnés aux serpents. Le trafic reprend. Des vols de chats sont perpétrés pour alimenter une filière parallèle de nourriture pour serpents ». Quand on lit un peu plus loin l’article en entier, page 28, le conditionnel remplace le présent et nous sommes plus plongés dans la rumeur que dans les faits avérés. Une vieille dame a  cependant croisé un individu suspect, tâtant le ventre d’une chatte pour savoir si elle était pleine, et se vantant du repas qu’il allait offrir à ses serpents. Le journal rajoute : « Sur les réseaux sociaux, comme Facebook ou sur le site Le Bon Coin,  certains messages ne laissent aucun doute et provoquent un vif émoi dans les quartiers sur les intentions d’une petite bande d’individus qui sévirait à Bully-les-Mines ».

Mais plus sérieusement, le même hebdomadaire fait du fact checking  à propos d’un documentaire, Enfants du terril, diffusé sur France 2 : « Ce portrait de deux enfants de la Cité 12-14 a fait réagir la commune qui parle d’une polémique gratuite et d’une image éculée. Vraiment ? ». Entre la vision no future du documentaire et l’émoi de la ville de Lens, le journal essaye de faire la part des choses : oui, il y a des indices alarmants de grande précarité dans cette Cité ; oui, une partie de la cité minière est délabrée, mais ce n’est pas toute la Cité, et cette « ville dans la ville est une réalité hétérogène » ; oui, le documentaire ne prend guère en compte les travaux de rénovation urbaine en cours ; oui et non, les habitants eux-mêmes sont partagés sur l’état de leur quartier. J’inscris la Cité 12/14 dans mon programme de travail.

Autre polémique dans le même journal concernant la protection des magnifiques terrils 11/19 de Loos-en-Gohelle : « Non, il n’y aura pas de mur en béton au terril ! ». Mais afin de « préserver le site d’une fréquentation grandissante en évitant les dégradations dues à une érosion par le climat et aux passages du public à travers les pentes (…) il est prévu la pose d’une clôture en grillage ». C’est tout le paradoxe de ces terrils qui sont devenus des lieux de loisirs et d’excursions et qui s’en trouvent fragilisés.

14 avril 2017

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Loos-en-Gohelle (62), terrils jumeaux de la fosse 11/19 depuis la route de Béthune, 14 avril 2017 © Thierry Girard

Me voici justement à tourner autour des terrils de Loos-en-Gohelle, dont il se dit qu’ils sont les plus hauts d’Europe —d’où le désir sans doute de préserver leur sommet ! Repérages face Ouest, le long de la route qui mène à Béthune ; repérages face Est en remontant de Liévin vers Loos. Avec ce troisième jour de repérages, commence à se dessiner de manière plus précise les contours de mon projet. Je ne vais pas célébrer cet objet singulier du patrimoine industriel qu’est le terril, comme a pu le faire avec talent Naoya Hatakeyama (Terrils, éditions Lightmotiv 2012), mais je vais l’utiliser tel un amer dans le paysage autour duquel s’organise l’œkoumène d’aujourd’hui. Qu’est-ce qui se dit de l’évolution, de la transformation de ce territoire depuis que l’exploitation du charbon s’est arrêtée et qu’il n’en reste que des objets de mémoire (terrils, chevalements etc.) ? Que deviennent les cités minières entre abandon, démolition et réhabilitation ? Ainsi à Pecquencourt, deux cités minières, les cités Sainte-Marie et Lemay, ont obtenu un classement Unesco qui contraint les opérateurs de procéder à une réhabilitation respectueuse du caractère patrimonial des maisons. Pour ce que j’en ai noté hier en traversant rapidement les cités en question, c’est plutôt réussi. J’y reviendrai plus longuement ultérieurement.

IMGP6251-S.jpgLiévin (62), terrils jumeaux de la fosse 11/19 de Loos-en-Gohelle depuis la rue du Sans souci, 14 avril 2017 © Thierry Girard

L’approche photographique de ces objets patrimoniaux me rappelle, trente-cinq après, le travail que j’avais entrepris dans le Nord sur les monuments aux Morts. Comment tourner autour de l’objet dans un processus d’apparition-disparition pour donner à voir, tout autant sinon plus, l’espace qui l’entoure ? Ou alors imaginer une série sur le mode : 36 vues du Mont Terri (c’est ainsi qu’on prononce dans le Nord en éludant le l final).

 

IMGP6258-S.jpgLiévin (62), chevalements de la fosse n°1 et de la fosse n°3, 14 avril 2017 © Thierry Girard

Je repasse par Avion, vieille citadelle communiste au milieu d’un territoire de plus en plus gangréné par le Front national. J’ai repéré un graffiti qui m’intrigue : Libérez Duclos ! Après une courte recherche sur Wikipedia, je note l’histoire suivante : effectivement, Jacques Duclos, l’un des principaux dirigeants du PCF, candidat à la Présidentielle de 1969 (21,27 % des suffrages, ce qui n’est pas rien !), a été emprisonné quelque temps en 1952 après avoir participé à une manifestation interdite contre la venue à Paris du général américain Ridgway, accusé de mener une guerre bactériologique en Corée. Comme on ne pouvait pas l’emprisonner pour son activité politique, il avait été trouvé un subterfuge suite à un contrôle “inopiné“ du coffre de sa voiture à un retour de chasse. Il s’y trouvait quelques pigeons braconnés. La belle et la bonne affaire pour le pouvoir en place !

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Avion (62), 14 avril 2017 © Thierry Girard

Duclos fut vite libéré, mais soixante-cinq ans après, il reste encore des traces de cette mésaventure sur les murs de la gare d’Avion (on trouve même un peu plus loin le nom de Ridgway) !

IMGP6237-S.jpgAvion (62), 14 avril 2017 © Thierry Girard

La Voix du Nord de ce jour s’intéresse quand à elle à la ducasse : « Désuète, la ducasse ? Dépassées, les fêtes foraines ? Pas le moins du monde : dans notre région, elles font toujours le plein de visiteurs en quête du grand frisson. D’année en année, les foires cherchent même à innover pour mieux vous séduire ». La saison des ducasses va commencer, je vais me laisser séduire.

15 avril 2017

À Lens, c’est jour de match. Je traverse le centre ville à pied pour aller jusqu’au stade Bollaert, mais en bas du boulevard Emile Basly[1] c’est pastis et cacahouètes. Le Parti communiste et le Front de Gauche, unis pour les futures législatives (mais sans la France insoumise !), inaugurent leur nouvelle permanence. Le maire communiste d’Avion, Jean-Marc Tellier, est le candidat désigné. Je lui pose la question qui fâche : « Le Front national, il en est où ici ? ». La réponse est directe : « Ça va taper dur ! Mais… on est en campagne depuis un mois, on fait du porte à porte et on est très agréablement surpris par l’accueil qui nous est réservé. On pense être présents au second tour ». Mais je le trouve bien triste ce candidat, la mine déjà un peu défaite[2].

 

_MG_0031-S.jpgLens (62), supporters et drapeau près du stade Bollaert, 15 avril 2017 © Thierry Girard

Le stade n’est pas très loin et la foule des supporters se presse déjà autour des baraques à frites et des portes d’entrée du stade. Drapeaux, bannières, écharpes, habits, stickers aux couleurs sang et or du RC Lens, peu de clubs en France peuvent se vanter d’avoir des supporters aussi enthousiastes et aussi prompts à se déguiser ainsi, comme pour un carnaval —il y a même des bonnets sang et or qui renvoient explicitement au carnaval. L’atmosphère reste bon enfant malgré la bière qui s’absorbe par grandes pintes, quitte à pisser là où on peut ou à vomir un bon coup avant de pénétrer dans le stade. Alors que le match est sur le point de commencer et que j’essaye d’attraper au vol quelques retardataires, un jeune homme arrive en courant, me voit un peu l’âme en peine, me demande si j’ai un billet pour entrer, me dit qu’il a un billet en trop et me l’offre gratis ! Nous sommes bien dans le Nord et le Pas-de-Calais !
Dans le stade, les supporters du RC Lens, qui ne sont pas relégués dans les kops comme dans la plupart des autres stades, se massent dans la tribune principale, face à la tribune officielle. L’équipe n’est pas en grande forme, elle perd 1-0 face à Auxerre, mais les Sang et Or font quand même le show et chantent sans discontinuer avec un répertoire qui n’est pas sans rappeler justement celui du carnaval, et dans lequel aussi “l’hymne du Nord“, Les Corons de Pierre Bachelet, revient comme une antienne.

 

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_MG_0036-S.jpgLens (62), supporters devant l’entrée du stade Bollaert, 15 avril 2017 © Thierry Girard

Je file avant la fin du match car j’ai rendez-vous à Abscon, à 40 km de là, pour assister à un concours de javelots. Rien à voir avec celui qu’on lance dans les stades, mais plutôt avec un jeu de fléchettes massives dont le fut ressemblerait à un petit obus, comparé à la fine pointe d’une fléchette. Le geste pour lancer le javelot et atteindre la cible est plus compliqué que ce qui est requis pour un simple jeu de fléchette. Il y a même quelque chose de dansé, d’élégant chez certains joueurs (et de plus violent chez d’autres) qui étonne lorsqu’on voit le physique sans grâce de ces hommes souvent âgés. Comme tous les jeux traditionnels de la région, celui-ci décline. Les concours ne concernent plus qu’une quinzaine de sociétés, réparties dans le Nord, le Pas-de-Calais et la Somme. Il n’y a plus rien en Belgique, ni autour de Paris. Lorsque les “anciens“ qui sont à la tête de ces associations disparaîtront, c’en sera bien fini, et l’échéance n’est pas lointaine. Lorsque j’avais photographié au début des années 80 un certain nombre d’activités de ce genre (dont des concours de chiens ratiers qui ont été interdits par la suite), la menace d’extinction ne me semblait pas aussi précise. En plus le lieu est sans charme, la lumière un peu glauque, les petits verres de rouge qui s’alignent sur le comptoir sont tristes, combat perdu pour attirer les jeunes ? Combat difficile pour photographier.

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Abscon (59), au club de javelot, 16 avril 2017 © Thierry Girard (Iphone)

 

16 avril 2017

IMGP6308-S.jpgValenciennes (59), 16 avril 2017 © Thierry Girard

Il n’ y a pas que la ducasse dans les gênes du Nord, il y a également les brocantes, et chaque weekend la liste est longue. Je choisis d’aller à celle d’Anzin, près de Valenciennes, car c’est auprès des responsables de la Compagnie minière d’Anzin qu’Emile Zola , qui a alors en tête le roman Germinal, se fait expliquer le fonctionnement de la mine. Nous sommes en 1884, au moment où commence la grande grève des mineurs d’Anzin, menée notamment par Emile Basly. Zola descend à la fosse Renard à Denain et découvre les conditions de travail au fond de la mine, ainsi que l’atmosphère particulière de ce monde souterrain — expérience que j’ai eu la chance de partager en 1982, en descendant dans la fosse 9 de l’Escarpelle à Roost-Warendin : l’obscurité, la chaleur moite, l’humidité, la poussière, l’étroitesse des galeries, l’étrangeté des sons, parfois sourds et lointains, parfois puissants lorsqu’on se rapproche d’un point de travail, les appels, les conversations entre les hommes —je ne me souviens pas des rires. Le souvenir d’une étrange atmosphère utérine. Dans ses notes, Zola remarque qu’ « à Anzin, les mineurs sont donc paisibles, lents, propres. Les grèves y ont un caractère tranquille. Mais je crois qu’on pourrait les faire dégénérer en violence, sous le coup d’une grande colère, d’une blessure particulière à trouver ». Il fait aussi sur place le croquis du plan de la mine d’Anzin qui servira de modèle au Voreux[3].

IMGP6322-S.jpgDenain (59), terril 162 de la fosse Renard, 16 avril 2017 © Thierry Girard

IMGP6317 -S.jpgAnzin (59), terril de la compagnie des mines d’Anzin, 16 avril 2017 © Thierry Girard

Ce qu’il reste du terril de la mine d’Anzin, un tumulus boisé, est si modeste que, déambulant par les rues de la cité minière, je ne l’aperçois qu‘au moment où je m’apprête à quitter les lieux. Hors quelques images, je ne rentre pas tout à fait bredouille, puisque j’ai dans la poche un exemplaire de l’autobiographie de Maurice Thorez, Fils du peuple, acheté pour 50 centimes, alors qu’il reposait sur un lit de pétales de prunier… Le texte commence ainsi : « Fils et petit-fils de mineurs, aussi loin que remontent mes souvenirs, je retrouve la rude vie du travailleur : beaucoup de peines et peu de joies. Le coron triste, l’entrée du carreau, le cheminement des mineurs accablés par l’effort à plusieurs centaines de mètres sous terre, et parfois l’accordéon, la course des «coulonneux» et les flonflons de la ducasse ». Plus loin, Thorez évoque la catastrophe de Courrières qui l’éveille à la dureté du monde (il n’a alors que six ans) : « —C’est à Courrières ! À la fosse de Méricourt ! Il y a 1 300 morts ! Ainsi, le 10 mars 1906, je galopai dans la brume glacée et je parcourus, aussi vite que me le permettaient mes petites jambes, les sept kilomètres qui séparent Noyelles-Godault des corons de Méricourt, sur la route de Lens. Des villages environnants, mineurs quittant le travail, femmes et enfants se bousculant, s’interpelant, brassés, mélangés, emportés, ressemblaient à quelque armée en déroute sur qui s’allongeait l’ombre de la mort ».

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Anzin, 16 avril 2017 © Thierry Girard (Iphone)

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Méricourt (62), nécropole de la catastrophe de Courrières, 18 avril 2017 © Thierry Girard (Iphone)

 

18 avril 2017

Sallaumines. Une rue en impasse qui bute sur le parking désert d’un centre commercial abandonné. Un modeste véhicule sans permis, pas en très bon état, garé devant une maison dont les fenêtres sont “garnies“ de poupées. Alors que je m ‘apprête à photographier, la porte s’ouvre. Quatre gamins s’échappent, puis apparaît le père, puis la grand-mère et enfin le grand-père, très furtivement. On s’étonne de ma présence, on m’interroge gentiment, j’essaye d’engager la conversation sur les poupées et la grand-mère me répond qu’elle en possède 280. Je demande à rentrer dans la maison pour pouvoir les photographier, ou la photographier au milieu de ses poupées, comme je l’ai fait en 1983 à Denain chez une autre vieille dame (la photographie est dans Mémoire du Siècle futur). Refus catégorique. Elle rentre chez elle à moitié maugréant, laissant la place sur le seuil du logis à une femme plus jeune qui se présente comme la sœur du père des enfants. En fait, ils se partagent les enfants à eux deux, mais je ne sais pas qui est à qui. Les trois aînés sont bien délurés, on sent qu’ils ont envie d’exploser et de profiter de la douceur printanière (et des vacances), alors qu’ils semblent confinés à l’intérieur de la maison, vraisemblablement devant la télé. J’imagine le huit clos familial dans une pièce petite et sombre, encombrée de poupées… Là aussi, entre chômage pour la sœur et arrêt de travail pour le frère, on sent la difficulté du quotidien. Cependant ils acquiescent volontiers à l’idée d’un portrait de famille devant la maison, le plus difficile étant de “ramasser“ les enfants sauvages et les faire tenir le temps de deux ou trois déclics.

IMGP6454-S.jpgSallaumines (62),18 avril 2017 © Thierry Girard

19 avril 2017

IMGP6472-S.jpgHarnes (62), terril 93 de la fosse 21, 18 avril 2017 © Thierry Girard

IMGP6475-S.jpgAnnay-sous-Lens (62), terril 93 de la fosse 21 depuis la route Lens-Carvin, 18 avril 2017 © Thierry Girard

Annay-sous-Lens. Le long de la grande route qui va de Lens à Carvin, je repère une théorie de petites maisons basses, toutes fermées et barricadées. Je m’arrête. Un gars, l’air bonhomme, me regarde venir. Je lui demande si les maisons vont être abattues ou rénovées et il me répond « tout va être démoli » en me désignant l’une d’entre elles, son ancienne maison. Il me décrit le manque de confort, les toilettes extérieures, l’humidité permanente, le chauffage impossible. Il est désormais relogé dans un petit immeuble neuf, pas très loin d’ici. Je lui demande s’il avait des ancêtres mineurs et il me répond en ch’timi (il se sent plus à l’aise, me dit-il) que son père a été handicapé à 17 ans après un accident dans la mine (une des dernières catastrophes) et qu’il est mort « broyé » à 34 ans… Il me dit avoir, lui, travaillé dans le bâtiment et être désormais à la retraite. Il est venu voir l’un de ses potes qui est sous tutelle et qui est le dernier habitant du coron. On se rapproche de la maison d’icelui, un certain Patrick R. qui nous attend en fait sur son pas de porte. Ma venue a l’air de l’amuser et de le distraire, encore qu’il ne soit pas seul, puisque sortent de la petite pièce très obscure où il vit un type et puis deux et puis trois et puis quatre. «Tous des cas soc ! » me glisse dans l’oreille mon premier compère. Les autres n’ont pourtant pas l’air handicapé et surtout ils n’ont pas tous des têtes de tendres comme Patrick R. —et je me demande bien ce qu’ils peuvent faire, là, tous ensemble, à boire du café fortement rehaussé de rhum brun agricole… Malgré l’invitation de Patrick, je me garde bien d’entrer dans ce qui pourrait être une souricière (sans doute ai-je tort, mais…), et je me contente de proposer un portrait de groupe à l’extérieur. Deux des quatre “copains“ se joignent à Patrick et à mon premier interlocuteur, les deux autres restent terrés au fond de la pièce.

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Annay-sous-Lens (62), 19 avril 2017 © Thierry Girard

Un peu plus loin, de l’autre côté de la route, les rares vestiges d’un immeuble Camus, du nom de l’architecte qui, après-guerre, mit au point des préfabriqués pour loger et reloger rapidement et à moindre coût les travailleurs dont le bassin minier avait besoin. Les maisons en béton gravillonné ont survécu quand elles ont pu être rénovées, mais les immeubles, mal conçus et inconfortables, ont tous été abandonnés et détruits, et il ne reste aujourd’hui que deux ou trois ensembles conservés à titre patrimonial.

IMGP6489-S.jpgAnnay-sous-Lens (62), immeuble Camus, 19 avril 2017 © Thierry Girard

De retour vers Sallaumines, je passe par la zone commerciale de Noyelles-Godault, la ville dont était originaire Thorez. C’est bien ici le monde d’après qui commence. Le siècle futur est mort à la fin des années 80, ce qui le remplace prend forme progressivement, un monde où la valeur consommation l’emporte sur la valeur travail.

IMGP6518-S.jpgNoyelles-Godault (62), terril 87 de Sainte-Henriette (Hénin-Beaumont) depuis la zone commerciale, 19 avril 2017 © Thierry Girard

21 avril 2017

Le chevalement de l’Escarpelle est toujours bleu, mais il n’y a plus que lui. Alentour, tout a été arasé. Plus loin, il reste un terril boisé un peu raplati. Sur le “domaine“ de l’Escarpelle, la mairie de Roost-Warendin cède des terrains à bâtir à partir de 56 900 € (la surface n’est pas indiquée). A Courcelles-lès-Lens, c’est une “magnifique“ lampe de mineur, sise sur un rond-point, qui rappelle le passé minier de la ville.

IMGP6545-S.jpgCourcelles-les-Lens (62), 21avril 2017 © Thierry Girard

IMGP6548-S.jpgLeforest (59), 21 avril 2017 © Thierry Girard

IMGP6557-S.jpgSallaumines (62), 21 avril 2017 © Thierry Girard

22 avril 2017

En 1980 et 81, j’ai passé pas mal de temps dans le Nord, grâce au magazine Géo qui m’avait commandé un travail sur les coulonneux (autrement dit les colombophiles), et plus particulièrement ceux qui entrainent leurs pigeons voyageurs pour des concours de vitesse. J’étais devenu très expert à force de fréquenter les sièges colombophiles et d’écouter patiemment les amoureux du coulon roucouler leur passion. Et j’avais pris autant de plaisir à écrire le texte du reportage qu’à faire les photos[4]. J’avoue qu’en retournant dans un siège colombophile si longtemps après, il a fallu remettre ma mémoire à jour. Mais ce fut facile, tant les amateurs de coulons sont généralement des gens doux et avides de partager leur savoir ; et ceux de Montigny-en-Ostrevent n’ont pas démenti leur réputation. Le plus jeune d’entre eux, Charles de Cesare s’est vite chargé de me rappeler les règles et les principes, et de me faire un état des lieux. Justement, en allant à nouveau respirer l’air d’un siège colombophile, je souhaitais surtout m’enquérir de savoir s’il y avait encore des jeunes qui s’intéressaient à cette activité qui fut autrefois tellement populaire, notamment dans le bassin minier, que dans certaines cités il n’existait pas de maisons sans son pigeonnier. Las, les choses ont bien changé là aussi ! Les habitudes de vie des nouvelles générations (voitures, sorties, vacances, sollicitations diverses) n’aident pas à s’investir dans une activité qui requière un temps considérable, et cela 365 jours par an. Les femmes et les enfants ne suivent plus, eux qui étaient également pris dans les rets de cet univers colombophile (on se transmettait la passion de père à fils, et les femmes —et les filles— aidaient, nourrissaient, nettoyaient…). Les jeunes qui continuent la tradition sont bien rares, et comme me le disait dans un soupir le responsable du club : « D’ici une génération…». Dans les trois dernières années, le nombre de pratiquants dans le NPdC a encore fondu, passant de 10 000 à 8 000. Il en reste certes encore assez pour faire de beaux concours et élever des pigeons précieux que les Asiatiques (Chinois en tête) viennent acheter à des prix supprimant toute concurrence… mais pour combien de temps ? Il y avait autrefois dans le vol d’une nuée de pigeons au-dessus du coron quelque chose de l’âme du mineur qui s’échappait du monde étroit et enfermé dans lequel il vivait. Aujourd’hui, dans les cités où bon nombre d’habitants n’ont pas hérité de cette culture traditionnelle, les voisins viennent se plaindre des “nuisances“. Autres temps. Je demande à Charles de Cesare ce qu’il fait dans la vie, à part s’occuper de ses pigeons. Il me répond qu’il travaille chez Amazon, c’est écrit sur son sweat. Je n’ose pas lui demander s’il va apprendre désormais à élever des drones.

IMGP6583-S.jpgMontigny-en-Ostrevent (59), portrait de Charles de Cesare, 22 avril 2017 © Thierry Girard

IMGP6592-S.jpgMontigny-en-Ostrevent (59), au siège colombophile, 22 avril 2017 © Thierry Girard

IMGP6615-S.jpgMontigny-en-Ostrevent (59), au siège colombophile, 22 avril 2017 © Thierry Girard

23 avril 2017

Premier tour des élections présidentielles. Je me rends de bonne heure dans un bureau de vote. Je n’ai pas vraiment l’intention de photographier, mais je trouve intéressant le décalage entre la sévérité du dispositif d’un bureau de vote et les dessins, les objets, les couleurs d’une salle de classe d’école primaire. Je sors mon Iphone de ma poche (j’ai laissé le gros matériel dans la voiture), et je commence à faire quelques images modestes. Que n’ai-je pas fait ! Branle-bas de combat du côté des assesseurs et de la présidente du bureau de vote ! Je m’étonne, je fais valoir que toutes les chaines de télévision vont être ici et là, partout sur le territoire, à capter les ambiances de vote ; que les photojournalistes, ceux de la Voix du Nord et d’ailleurs, vont écumer eux aussi les bureaux de vote, rien n’y fait ! L’autorisation est soi-disant à la discrétion du président du bureau de vote… Et puis, je n’ai pas de carte de presse, personne ne me connait, je me sens soudain suspect ! Je quitte les lieux en lançant à la cantonade que cette « censure » est le signe que le Front national a déjà gagné ! Ça jette un froid.

Pour me calmer, je file en Belgique, au Grand Hornu où est exposé (ce sont les derniers jours) le travail d’une photographe américaine, LaToya Ruby Frazier. Elle a réalisé sur plusieurs années un formidable travail sur sa ville d’origine, Braddock en Pennsylvanie, autour de sa famille et des lieux de son enfance, retraçant en même temps, dans la continuité de la grande tradition documentaire américaine (Walker Evans, Dorothea lange, Gordon Parks —elle est elle-même afro-américaine) le déclin industriel, environnemental, social et moral d’une petite ville construite autour de la sidérurgie. Ce sont ces petites villes ouvrières abandonnées, qui avaient traditionnellement un vote démocrate, qui ont aussi voté pour Trump à l’automne dernier.
LaToya Ruby Frazier a été invitée à faire une résidence d’artiste dans le Borinage (le bassin minier belge), mais là, grande déception. Beaucoup de moyens, mais peu de temps consacré réellement aux prises de vue qui s’avèrent au final plutôt convenues. Je pars quand même avec sous le bras le très beau livre consacré à Braddock[5].

IMGP6622-S.jpgHénin-Beaumont (62), Au Zénith, 23 avril 2017 © Thierry Girard

Je décide de rentrer en faisant halte à Hénin-Beaumont, fief de Marine Le Pen (un ami m’envoie un texto : « T’as envie de te faire mal ? »). Personne du côté de la mairie. Le parking est vide. J’en profite pour photographier l’estaminet “Au Zénith“ que j’avais déjà repéré et qui est juste derrière la mairie —à côté aussi du siège colombophile… J’entends à la radio que la soirée électorale se déroule en fait à la salle… Il y aurait foule et énormément de contrôles de sécurité. Ne rentre pas qui veut. Je ne vais quand même pas me faire passer pour un militant et, encore une fois, je n’ai pas de carte de presse. Et, au fond, ai-je vraiment envie d’entendre la clameur “populaire“ saluer la qualification de MLP pour le second tour ? Je rentre sur Sallaumines où je retrouve un peu plus tard mes “colocataires“, tous militants communistes, qui reviennent du dépouillement et sont effondrés.

24 avril 2017

Les chiffres sont là, terribles, alignés dans la Voix du Nord : « Marine Le Pen en tête dans le Nord et le Pas-de-Calais », respectivement 28 et 34% ! 46,5 % à Hénin-Beaumont… 44,4 à Auchel… Même si Mélenchon est arrivé second, cela augure de législatives très difficiles[6].

Je fais un tour sur le marché de Sallaumines, pour prendre la température. Les trois-quarts des marchands et des forains sont d’origine maghrébine. L’atmosphère semble cordiale, comme un lundi matin ordinaire. Je discute longuement avec un Marocain qui est en France depuis quarante ans et qui vit avec une Française “blanche“ : « Regarde-les ! Ils sont tous gentils quand ils veulent nous acheter ce qu’on leur vend pas cher ! Et après, ils vont nous niquer dans les bureaux de vote ! Ça m’écœure, j’ai envie de partir ! ». Il se sent directement agressé par le vote d’hier, même si la question, non pas de l’immigration, mais des étrangers installés sur place depuis longtemps (et dont les enfants sont nés Français) n’a pas été aussi déterminante que ça dans le vote brun du bassin minier. Le responsable, c’est la misère, la précarité, le sentiment d’abandon, et au-delà, un phénomène d’acculturation majeur d’une population qui ne sent plus représentée ni investie de quelque idéal que ce soit. Le Communisme (et son avatar le Socialisme) avaient au moins ceci de bon, c’est qu’ils promettaient « des lendemains qui chantent » (on sait ce qu’il en a été). Avec le National-populisme du Front national, quel horizon, quel rêve ? Combien de braves gens croisés ces deux dernières semaines ont pu voter MLP ? Sans doute beaucoup. La presse dit : « Un vote désormais de conviction ». Vraiment ? Une conviction fragile, née de la rage, de la vengeance, de l’écœurement, de la lassitude, de l’innocence, voire du suivisme parce que c’est dans l’air actuel des cités… Hier soir, mes colocataires  me parlaient d’ingratitude à propos de leurs administrés. Que répondre ? On sait bien qu’il y a un moment ou la bonne gestion (encore faut-il qu’elle soit réelle) ne suffit pas à elle seule à endiguer le flot du désarroi. Que pèsent les crèches, la politique culturelle, les centres de loisir, les programmes de rénovation urbaine, face au sentiment plus général, souvent confus, de ne plus se sentir dans le mouvement du monde et d’en éprouver un profond ressentiment ?

IMGP6627-S.jpgSallaumines (62), 24 avril 2017 © Thierry Girard

IMGP6633-S.jpgSallaumines (62), 24 avril 2017 © Thierry Girard

IMGP6637-S.jpgSallaumines (62), 24 avril 2017 © Thierry Girard

Je repasse par Hénin-Beaumont. Tout est calme. Une équipe de télé filme des rues vides. Un plan sur le QG du Front national, au-dessus d’un ancien magasin d’optique (à louer) : au royaume des aveugles…

J’ai rendez-vous à Ecaillon, dans le Nord, avec Jean Jedrejewski, un ancien mineur, joyeux, prolixe et particulièrement sympathique. Il a reconstitué une grande maquette d’un carreau de mine, y compris les galeries. Il a récupéré divers objets et des machines (dont il est très fier). Il intervient régulièrement au Centre historique minier  pour évoquer, auprès des jeunes publics, ce temps révolu. Sur la table de la cuisine, je vois L’Humanité-dimanche. Je me dis : « Tiens ! Les Anciens résistent encore ! ».

IMGP6666 -S.jpgMasny (59), 24 avril 2017 © Thierry Girard

Notes

[1] Emile Basly (1854 – 1928) est l’une des grandes figures du syndicalisme dans le bassin minier du Nord-Pas-de-Calais. Il aurait inspiré à Emile Zola le personnage d’Etienne Lantier dans Germinal.

[2] Jean-Marc Tellier, arrivé troisième au premier tour (juste derrière le deuxième), ne figurera pas au second tour, et c’est un ancien communiste passé au Front national, José Evrard, qui emportera la troisième circonscription du Pas-de-Calais.

[3] J’utiliserai pour ma part deux mots extraits de la dernière phrase du roman pour intituler le projet mené de l’automne 1982 à la fin de l’hiver 1983 avec le Centre régional de la photo : Mémoire du Siècle futur.
« Encore, encore, de plus en plus distinctement, comme s’ils se fussent rapprochés du sol, les camarades tapaient. Aux rayons enflammés de l’astre, par cette matinée de jeunesse, c’était de cette rumeur que la campagne était grosse. Des hommes poussaient, une armée noire, vengeresse, qui germait lentement dans les sillons, grandissant pour les récoltes du siècle futur, et dont la germination allait faire bientôt éclater la terre. »

[4] Le reportage a été publié dans le numéro 34 de Géo en décembre 1981.

[5] LaToya Ruby Frazier, The Notion of  family, Aperture, 2016.

[6] Et de fait, sur les cinq députés Front national qui seront élus en juin dans le NPdC, quatre le seront dans le bassin minier.


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